26/01/2017
VOYAGES
« […] un motel qui s’appelait autrefois Journeys End. J’imagine qu’ils pensaient à la citation « Journeys end in lovers meeting »* – Les voyages se terminent sur les retrouvailles des amants – , mais il est difficile d’imaginer que tout le monde saisisse la référence et peut-être certains auraient-ils interprété ce début de phrase de manière trop sinistre : les voyages se terminent, c’est une construction tout en entrées mais sans sorties qui pue les anévrismes et les thromboses sans oublier ni les flacons de somnifères vides ni les blessures de pistolet à la tête. À présent, ça s’appelle juste Journeys, « Voyages ». Que c’est sage d’avoir changé ! C’est beaucoup moins définitif, beaucoup moins irrémédiable. Il vaut tellement mieux voyager qu’arriver. »
Margaret Atwood, Le tueur aveugle,
10/18, « domaine étranger », 2003,
p. 376.
*in Twelfth Night, Shakespeare.
Les lectures de Roberte Roberte.
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17/01/2017
ÂGÉE
« Quand je regarde dans le miroir, je vois une vieille femme ; ou pas vieille, parce que plus personne n’a le droit d’être vieux aujourd’hui. Plus âgée, alors. Parfois, je vois une femme plus âgée qui pourrait ressembler à la grand-mère que je n’ai jamais connue ou à ma mère si elle avait pu atteindre cet âge. Mais parfois, à la place, je vois le visage de jeune fille que je passais jadis tant de temps à réarranger et à déplorer qui, noyé, flotte juste au-dessous de mon visage actuel, lequel paraît – l’après-midi surtout quand la lumière tombe à l’oblique – si flasque et si transparent que je pourrais le retirer comme un bas. »
Margaret Atwood, Le tueur aveugle,
10/18, « domaine étranger », 2003,
pp. 57-58.
Les lectures de Roberte Roberte.
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12/01/2017
UNE PRESSE LIBRE ?
« Le monde libre », livre de Aude Ancelin1, nous décrit avec force, rage et talent les dessous d’un hebdo vieilli, l’Obs, autrefois Le Nouvel Observateur. J’ai cessé de le lire en… juin 1981 mais le retrouver ainsi décrit ne m’a pas vraiment étonnée.
Quiconque, telle l’auteure, a été jeté sans ménagement du giron professionnel (aussi contestable soit-il) ne peut qu’en ressentir du dépit, de l’amertume, de la révolte. (Combien de gens dans ce cas, en France, quotidiennement ? Mais ils ne sont pas journalistes).
La critique, visiblement rédigée sans recul, totalement à charge, est acide, caustique, parfois réjouissante, souvent méprisante mais on peut se demander, après l'avoir quittée, ce que l'auteure est retournée faire dans cette galère ?
Je n’ai pas l’intention de détailler cet ouvrage qui a le mérite de décrire au public une certaine réalité. Nombre d’articles lui sont consacrés dans l’Internet. Je constate simplement que si celui qui suggéra ce licenciement est bien la personne soupçonnée, un livre rédigé par des journalistes du Monde aura sérieusement écorné ses propres espérances…
« Le monde libre » m’a rappelé une intéressante lecture faite en 2015 : « Ils ont acheté la presse – Pour comprendre enfin pourquoi elle se tait, étouffe ou encense », par Benjamin Dormann2, Les liens étroits entre les politiques, les financiers de la presse et la presse elle-même y sont clairement démontrés et détaillés. On y retrouve les protagonistes du bouquin de Ancelin, forcément traités avec plus de distance mais non moins d’acuité. Et de multiples informations propres à laisser le lecteur pantois.
C’est un peu par hasard que j’ai lu Dormann. Je n’ai pas souvenir d’avoir vu ou entendu un compte rendu ou la moindre critique de son livre dans les journaux via Internet ou à la radio. Je m’en étonnais à tort. Dans un tel contexte, une étude sans concession constituerait probablement une menace : la vérité précipiterait la fin d’une presse déjà subclaquante mais qui, en l’état, sert encore bien des intérêts.
- Éd. LLL LES LIENS QUI LIBÈRENT, 2015. Lauréate du prix Renaudot essai.
- Éd. JEAN PICOLLEC, 2012, première éd. ; 2015, réédition mise à jour.
© Roberte Roberte.
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