Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

31/05/2016

LA VIE DES PETITS

« Je souffrais surtout d’être si souvent palpé. Mon indignation m’est encore présente si je me remémore que chacun s’estimait en droit de me soulever, de me soupeser, de me serrer brutalement, voire d’approcher du mien un visage parfaitement repoussant et fétide, ou de passer sur mes joues une main monstrueuse qui me meurtrissait. Ni ma mère, ni mon père ne s’exceptaient de la répulsion que m’inspiraient les autres, puisque je leur tenais rigueur de ne pas s’instituer mes gardiens avec plus de sollicitude et de permettre à toute une horde de parents ou d’amis de s’emparer de moi comme d’un jouet. »

Robert Lebel, La Saint-Charlemagne,
DEYROLLE ÉDITEUR,  octobre 1993, p. 24.

Les lectures de Roberte Roberte.

09:38 Publié dans Blog, Lecture | Lien permanent

25/04/2016

"Car tous les dîners ont été préparés"

« [...] Dans ma vision, il y avait aussi une très antique vieille dame traversant la rue au bras d’une femme d’une cinquantaine d’années, possiblement sa fille [...]. La plus âgée a près de quatre-vingts ans ; mais, si on l’interrogeait sur le sens de la vie pour elle, elle répondrait qu’elle se souvient des rues éclairées pour la bataille de Balaklava ou a entendu les coups de canon tirés à Hyde Park pour la naissance du roi George VII. Et si on lui demandait, brûlant de déterminer précisément le moment avec date et heure : « Mais que faisiez-vous le 5 avril 1868, ou le 2 novembre 1875 ? », elle dirait le regard flou qu’elle ne se rappelle rien. Car tous les dîners ont été préparés, toutes les assiettes et les tasses lavées ; les enfants sont allés à l’école avant de partir dans le monde. De tout cela, il ne reste rien. Tout s’est évanoui. Aucune biographie, aucune histoire n’a un mot à en dire. Et les romans, à leur corps défendant, ne peuvent que mentir. »

Virginia Woolf, Une pièce bien à soi,
(1928), pp. 152-153, Rivages poche,
Petite Bibliothèque, 2011.

Les lectures de Roberte Roberte.

(Rediffusion)

25/03/2016

DE DIEU...

Qu'est-ce que la vérité ?

Qui n’agréera la déduction que les croyants tirent volontiers : « la science ne peut être vraie, car elle nie Dieu. Par conséquent elle ne vient pas de Dieu ; par conséquent elle n’est pas vraie – car Dieu est la vérité ». Ce n’est pas la déduction qui contient l’erreur, c’est l’hypothèse de départ : et si Dieu, justement, n’était pas la vérité ; et si cela, justement, était ainsi prouvé ? s’il était la vanité, le désir de puissance, l’impatience, l’effroi, le délire extatique ou épouvanté des hommes ?

Friedrich Nietzsche, Aurore, Pensées sur les préjugés moraux,
Fragments posthumes (1879 – 1881).
Textes et variantes établis par G. Colli et M. Montinari.
Traduits de l’allemand par Julien Hervier.
nrf, Gallimard, 1970, p. 75, Livre premier, n° 93.

Les lectures de Roberte Roberte.
 

09:31 Publié dans Blog, Lecture | Lien permanent