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25/04/2016

"Car tous les dîners ont été préparés"

« [...] Dans ma vision, il y avait aussi une très antique vieille dame traversant la rue au bras d’une femme d’une cinquantaine d’années, possiblement sa fille [...]. La plus âgée a près de quatre-vingts ans ; mais, si on l’interrogeait sur le sens de la vie pour elle, elle répondrait qu’elle se souvient des rues éclairées pour la bataille de Balaklava ou a entendu les coups de canon tirés à Hyde Park pour la naissance du roi George VII. Et si on lui demandait, brûlant de déterminer précisément le moment avec date et heure : « Mais que faisiez-vous le 5 avril 1868, ou le 2 novembre 1875 ? », elle dirait le regard flou qu’elle ne se rappelle rien. Car tous les dîners ont été préparés, toutes les assiettes et les tasses lavées ; les enfants sont allés à l’école avant de partir dans le monde. De tout cela, il ne reste rien. Tout s’est évanoui. Aucune biographie, aucune histoire n’a un mot à en dire. Et les romans, à leur corps défendant, ne peuvent que mentir. »

Virginia Woolf, Une pièce bien à soi,
(1928), pp. 152-153, Rivages poche,
Petite Bibliothèque, 2011.

Les lectures de Roberte Roberte.

(Rediffusion)

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