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30/01/2016

EVSI

ESPÉRANCE DE VIE

 

« Il existe […] deux indices pour illustrer le propos. Le premier, celui que nous servent les grands journaux respectables, c’est l’espérance de vie brute et brutale. On peut espérer vivre tant d’années. Mais le second, recommandé par l’Union européenne, est celui de l’espérance de vie sans incapacité (EVSI)*. Notons ensemble que ce n’est pas con, car si l’on est atteint d’Alzheimer, par exemple, ou incapable de sortir admirer l’air bleu d’avril ou de mai, ou l’air blanc de décembre, est-il bien utile d’arriver à 150 ans ?

La santé publique se dégrade

Or l’indice EVSI baisse depuis plusieurs années déjà, sans que quiconque s’en soit préoccupé. Selon les chiffres broyés par l’Institut national d’études démographiques (Ined), l’EVSI des hommes est passé, en France, de 62,7 années à 61,9 années entre 2008 et 2010. Et pour les femmes, de 64,6 à 63,5 ans. Mais dans ces conditions, faut-il considérer que la santé publique se dégrade ? C’est possible et c’est même certain.

[…]

La vérité du monde commence à apparaître

[…]

Il est parfaitement raisonnable de calculer la durée de vie réelle des humains. Mais l’est-il de transformer cette durée en espérance ? Telle est la question centrale. On sait avec certitude que les humains vivent en moyenne de plus en plus vieux. Jusqu’ici. Mais en projetant ces chiffres sur un très hypothétique avenir, en prolongeant des courbes jusqu’à la fin de ce siècle, on se comporte comme des bonimenteurs. Notamment parce que ceux qui meurent aujourd’hui à 90 ans et plus n’ont pas connu, au moment où se formaient leur organisme et leur système nerveux, les pollutions de l’air, de l’eau, des fruits, des légumes, du pain, du fromage et du vin. Il faudrait donc penser, ou plutôt croire, que les bouleversements intervenus dans tant de domaines vitaux de la vie quotidienne ne pèseront rien. C’est grand. »

[…]

 

Quelques extraits du très intéressant article de Fabrice Nicolino,
Espérance de vie. Vivre vieux ne veut pas forcément dire vivre mieux.
in Charlie Hebdo, n° 1227, 27 janvier 2015, pp. 2 et 3.

 

*C'est moi qui souligne.

Les lectures de Roberte Roberte.

15:21 Publié dans Blog, Lecture, Presse, Vieilles peaux | Lien permanent

28/01/2016

"LA FEMME À L'ÉPINGLE"

"Pendant ces deux jours, j'ai revu de très vieux amis que je connais depuis presque vingt ans, une vieille dame charmante, surtout, qui me fascinait quand j'étais petite et qu'elle avait 40 ans : je jugeais merveilleux et très impressionnant d'être une femme de 40 ans - eh bien maintenant que ça m'est arrivé ce n'est ni mieux ni pire qu'un autre âge. Elle en a actuellement 60 et ne m'impressionne plus du tout mais je l'aime énormément. Un couple plus jeune se trouvait avec elle, ses amis et les miens. La jeune femme se remettait à peine d'avoir avalé une épingle ! L'autre jour, en voiture, elle avait une épingle à la bouche, il y a eu une secousse et elle l'a avalée ! Une épingle assez grosse. On l'a emmenée à l'hôpital où elle est restée quatre jours. Grâce aux rayons X on a suivi l'épingle dans son estomac, puis sa lente descente dans l'intestin, et enfin elle est ressortie. Moi j'aurais été terrorisée d'avoir une épingle dans l'estomac, mais elle, non, ce genre d'aventure lui arrive constamment, ce qui est éprouvant pour son pauvre mari."

Simone de Beauvoir, Lettres à Nelson Algren,
Un amour transatlantique, 1947-1964,
Texte établi, traduit de l'anglais et annoté par
Sylvie Le Bon de Beauvoir.
Éd. Gallimard, 1997, p. 40,
 28 juin 1947.

 

Il y a fort longtemps qu'on m'a offert ce livre mais j'étais plutôt rebutée par l'introduction de chaque lettre : "Mon gentil, merveilleux, bien aimé (...)" ; "Mon précieux bien-aimé de Chicago"... un peu comme si je commettais une indiscrétion en lisant. Néanmoins je ne m'en séparai point. En rangeant la bibliothèque, je parcours ce recueil autrement, et ne le quitterai pas, je suppose, avant d'en avoir achevé la lecture.

Roberte Roberte.

Déjà dans ce blog le 18 avril 2011.

09:14 Publié dans Blog, Lecture | Lien permanent

27/01/2016

CE QUE JE SUIS EN RÉALITÉ DEMEURE INCONNU

Virginia Woolf, LETTRES, 1901-1941.

 

p. 219
"Madame Labrotte avait une tumeur gigantesque - elle avait consulté tous les médecins de Londres et de Paris - elle est venue à Cassis pour se remettre et, à cinquante ans, a accouché d'un enfant en un quart d'heure."

pp. 220-221
"1. La coupe à la garçonne de Virginia la défigure complètement.
2. La coupe de Virginia la change complètement, et à son avantage.
3. La coupe de Virginia passe complètement inaperçue.
Voilà les trois écoles de pensée qui s'affrontent actuellement sur ce grave sujet. J'ai acheté une tresse de cheveux que je fixe avec une épingle. Elle tombe dans la soupe où il faut aller la repêcher avec une fourchette."


Extrait des Lettres à Vita Sackville-West,
Villa Corsica, Cassis, mardi 5 avril 1927.
Virginia Woolf, Ce que je suis en réalité demeure inconnu,
collection POINTS, janvier 2010.

 

On peut se demander si les écrivains d'aujourd'hui entretiennent avec leurs proches et moins proches une correspondance manuscrite ou dactylographiée qui pourra être ainsi recueillie ? Ou bien les destinataires impriment-ils les mails ? Ou bien qui s'intéressera à la correspondance des écrivains d'aujourd'hui ? Ou bien y a-t-il des écrivains aujourd'hui ? (Rassurons-nous, plus de 600 ouvrages flambant neuf, vont paraître à la rentrée).°

Roberte Roberte.

*Première insertion dans ce blog le 14 août 2010

09:47 Publié dans Blog, Lecture | Lien permanent