07/06/2012
ACCROCHAGE
"À l'époque du monde Winterson, nous avions une série d'aquarelles victoriennes accrochées aux murs. Mrs W les avait héritées de sa mère et dans un esprit familial, voulait les exhiber. Mais étant farouchement opposée aux "images gravées" (cf. Exode, Lévitique, Deutéronome, etc.)*, elle a résolu ce problème insoluble en les accrochant face contre mur. N'étaient plus visibles que le papier kraft, le scotch, les punaises en fer, les taches d'humidité et la ficelle. C'était la vie selon Mrs Winterson."
Jeanette Winterson,
Pourquoi être heureux quand
on peut être normal ?
Chap. 15, "La blessure", p. 261.
Éditions de l'Olivier, mai 2012.
Traduit de l'anglais par Céline Leroy.
*Mrs Winterson était pentecôtiste.
Les lectures de Roberte Roberte.
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26/04/2012
VIEILLES PEAUX
« D’ailleurs, c’est toujours les autres qui meurent. » : Épitaphe gravée sur la tombe de Marcel Duchamp.
En vie (mais depuis si longtemps), on pourrait dire : « D’ailleurs, c’est toujours les autres qui sont vieux ». Un troupeau brinquebalant de touristes d’un âge certain nous fait ironiser de la même façon que lorsqu’on avait dix-huit ans et la perspective de la maison de retraite évoque le purgatoire où le silence est pratiqué comme une ascèse, en prévision du mutisme éternel.
« [...] les vieux parlent peu. Être vieux, c’est aussi faire un pas de côté. « La vieillesse se définit aussi par un peu plus de repli sur soi », note le professeur Olivier Saint-Jean. » (1)
Peut-être parce qu’on a conscience de la vanité de toute expression ? Ou parce qu’échanger, oui, mais avec qui ?
Un jour, on s’aperçoit que notre ordinateur ne propose plus de mise à jour des logiciels. Une sorte d’avertissement : il est obsolète. Non qu’il soit totalement hors d’usage mais il n’est apparemment plus assez puissant pour recevoir et s’adapter aux flux nouveaux, à la vie du jour. Pas complètement déconnecté mais en voie de ralentissement. « Il n’est pas si ancien ! », pense-t-on. Si.
Comparaison indigne, sans doute. Mais reconnaissons que l’ancienneté (au travail notamment) n’est plus un atout, que la longévité pose question, d’autant qu’elle progresse. La grande vieillesse semble avoir un poids économique conséquent en ces temps de "crise éternelle". Rassurons-nous :
« Enfin, le coût de la vieillesse. Ces derniers mois, un leitmotiv s’est installé : on va vers une implosion des comptes sociaux, en raison du vieillissement. Il n’en est rien. « Les coûts de la santé induits par le vieillissement ne sont pas si lourds », a expliqué l’économiste Jean de Kervadsoué. Et ce rappel : « Les solidarités individuelles et familiales font beaucoup plus qu’on ne le pense. » (1).
Rappelons aussi que le grand âge est créateur d’emplois. Même si en l’état actuel des choses, il ne s’agit probablement pas de « vocations ».
On a gardé pour la fin ces interventions que les vieux à venir pourraient bien méditer :
« Personnalité historique de la gériatrie, Geneviève Laroque a trouvé les mots justes (2) :
« On a le sentiment que les vieux sont vus comme les membres d’une tribu exotique. Alors que nous, les vieux, nous avons le sentiment de ne pas avoir changé, et d’être toujours ce que nous sommes. »
« La vieillesse a de multiples visages, insiste Véronique Fournier, directrice du Centre d’éthique clinique. Mais c’est d’abord une perception subjective. On ne se sent pas vieux tant que l’on ne souffre pas de vieillesse. »
RadicÔlibres.
(1) Cycle de débats mensuels,
organisé depuis octobre par le Centre d’éthique clinique
de l’hôpital Cochin, à Paris, avec Libération et France Culture.
In Libération, n° 9615, mardi 10 avril 2012, pp. 14-15,
« La vieillesse au-delà des clichés d’un autre âge »,
par Éric FAVEREAU.
(2) C’est nous qui soulignons.
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04/01/2012
VIEILLES PEAUX
Dans Libération du samedi 31 décembre 2011 et dimanche
1er janvier 2012, on a lu avec joie "La Semaine de Alain SCHIFRES"* et retenu mardi et mercredi. Partageons :
"MERCREDI LE VIEUX SE DÉPLOIE
[...] Je me relis : n’ai-je pas l’air d’un vieux con ? Qu’importe. C’est vieux qu’il faut être aujourd’hui. La jeunesse passe mais le vieux reste. Dans un pays où l’âge moyen des députés est de 62 ans, il prend même toute la place. J’ai d’ailleurs consacré une entrée de mon Dictionnaire amoureux du bonheur au plaisir de vieillir. (Bon, ce n’est pas du tout mon genre de faire la publicité de mes parutions dans un journal. C’est juste un pastiche de Sollers, OK ?). Bref, le vieux s’étale. Vous savez comment c’est, passé un certain âge. On fume, on boit, on ne pense pas à l’avenir. Voyez Manoel de Oliveira, 103 ans. Oscar Niemeyer, 104 ans. Edgar Morin, 91 ans, et Stéphane Hessel, 97, signent un livre ensemble, et qui s’appelle comment ? Le Chemin de l’espérance. Sans aller si loin, Aldo Naouri, 74 ans, après les mères et les filles, les fils et leurs pères, s’attaque aux gendres, aux brus et aux belles-mères, et c’est en 2023, selon mes calculs, qu’il abordera le sujet difficile des nièces et des cousins germains. (On oublie trop les nièces). "
*Alain SCHIFRES, ancien journaliste
au Nouvel Observateur et à l'Express.
Écrivain.
Libération, n° 9529, LIRE LE MAG, p. XI.
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