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02/11/2013

DÉFUNTS

Le 2 novembre, selon le calendrier que j'ai sous les yeux, est consacré aux Défunts.
Au siècle dernier, les morts de Sabra et de Chatila furent enfouis dans un terrain vague, sujets à violence, même post-mortem puisque des engins de chantier se chargèrent d'accélérer les funérailles et d'aplanir ensuite le terrain pour qu'au plus vite, règne le silence.

Depuis que j'ai lu "Le quatrième mur" de Sorj Chalandon*, je ne cesse de penser à eux, à ce qu'on n'ignore pas, à notre impuissance et finalement, à notre futilité.

Roberte Roberte.

*Éditions Grasset et Fasquelle, 2013.

09:57 Publié dans Blog, Lecture | Lien permanent

06/09/2013

UNE QUESTION POUR LES CINQUANTE ANS DE FRANCE-CULTURE

"Le tap tap des gamins qui jouent au cricket me rappelle les sensations éprouvées lors de nos parties de cricket. Quelle est la différence entre le souvenir éveillé par une sensation et la pensée, celle, par exemple, que demande la lecture d'une page de Platon ?"

 

Virginia Woolf, Journal,
traduit de l'anglais
par Colette-Marie Huet,
Nouveau Cabinet Cosmopolite, Stock, 1987,
tome 6, p. 67.  

09:16 Publié dans Blog, Lecture, Philosophie, Radio | Lien permanent

27/08/2013

LES VIEILLES

Comme j’avais quelques heures de train à subir, je fis l’acquisition d’un livre de poche. En qualité de vieille peau intervenant parfois dans ce blog, j’achetai évidemment un ouvrage quasiment « professionnel » :
« Les vieilles » de Pascale Gautier, prix Renaudot Poche 2012.

Ça commençait mal, avec le nom d’une rue « Jean-Eymard » où habite une vieille femme très sourde qui écoute la télévision à fond. J’apprendrai ensuite que la localité s’appelle « Trou » et que le soleil y brille 365 jours sur 365, ce qui explique une concentration incroyable de vieilles plutôt que de vieux (ils sont morts). Parmi les « héroïnes » : la veuve mélancolique, l’inévitable bigote, l'alcoolique, la mère (forcément) agressive, la sexuellement-délurée-jusqu’à-la-fin-de-ses- jours et la
« jeune » retraitée.

Il y a quand même un vieux, 90 ans qui s’entraîne pour un marathon et a conservé ses attributs en état de marche. Pas très loin, un jeune homme s’occupe du crématorium ultramoderne et performant comme l’exige l’âge moyen de la population. Ce jeune homme aime les vieilles (mais je ne vais pas tout vous dire).

 

Une citation (p. 28) :

« Derrière la préfecture se trouvait une colonie de vieilles ruelles bordées de vieilles maisons. Vieux toits de vieilles tuiles, vieilles façades repeintes en vieux rose, vieux pots de vieilles fleurs posés là, arrosés de vieille pisse de vieux chiens. Elle avait d’abord croisé une femme d’un âge incertain qui peinait à pousser son caddie vide. Elle faisait du trois mètres à l’heure, empaquetée dans un manteau épais et informe. Puis un homme à tête de crapaud s’est approché en boitant. Sa peau bistre était couverte de verrues. Il ne l’avait pas vue, s’était arrêté, glougloutant quelques mots incompréhensibles pendant que sa main gauche sortait de la poche de son pantalon, s’élançait dans les airs, s’arrêtait en plein vol puis retournait dans sa poche. Cinq fois comme ça avant de s’éloigner. Une vieille accrochée à une moins vieille l’avait bousculée sciemment. Elle les avait vues modifier leur trajectoire et foncer sur elle. La plus laide lui avait donné un coup de canne en ricanant. Un pépé était alors apparu, tenant en laisse un chien hideux dont les deux pattes de derrière ne touchaient plus le sol. Une chose à roulettes était fixée à son arrière-train pour lui permettre d’avancer. Mon bébé, répétait-il, mon bébé, mon bébé ! Elle avait poursuivi jusqu’à une place, envahie de pigeons gras, qui s’ouvrait sur un cours. On n’est pas sérieux quand on a quatre-vingt-dix-sept ans et des tilleuls verts sur la promenade.* Là, installées sur des bancs, des cohortes d’antiques, des brochettes de permanentes bleues, des colonies d’yeux aveugles et de cannes blanches. Un soleil froid illuminait la scène. Elle n’avait jamais vu ça. Des dizaines et des dizaines de créatures décrépites en plein conciliabule. Telles des mouches dans l’étable qui bourdonnent autour des pots remplis de lait, telles étaient-elles toutes en train de parler de leur tension, de leur cœur, de leur cataracte, des soins qui n’étaient jamais assez bien faits, des médecins qui n’étaient jamais assez attentifs, de tout cela qui, avant, ne se produisait pas, parce qu’avant, bien sûr, avant était l’âge merveilleux de leur jeunesse d’or. »

 

Contrairement à ce qu’annonce la quatrième de couverture1, le style ici relève plus d’une allégresse méchante que de l’humour ou de l’impertinence. C’est ainsi, avec les progrès de la médecine, des cohortes de vieux vont leur chemin au soleil ou tout bêtement dans des établissements adéquats où ils sont invisibles et heurtent moins par conséquent, la «sensibilité» de la jeunesse. Le vieux souvent, est moche, cassé, il perd la tête et on ne peut s’en débarrasser comme on le fait d’un matériel obsolète. Il n’est pas interdit d’en rire, évidemment mais n’est-ce pas plutôt pour conjurer sa frayeur du devenir qu’on en rit de la sorte ? Le vieux ne sera pas toujours l'autre.

 

Vous l’aurez compris, je n’ai pas aimé ce livre méprisant, dépourvu de nuances qui est un catalogue de clichés et où l’on cherche en vain un peu d’empathie.

 

*C’est moi qui souligne : ça doit être ça, "l'humour" dont est gratifié ce livre.

1. « Dans ce nouveau roman, irrésistible de fraîcheur, Pascale Gautier bouscule, avec humour et impertinence, nombre d’idées reçues sur la vieillesse »


© Emeline Plantempot.

10:10 Publié dans Blog, Lecture, Vieilles peaux | Lien permanent