13/05/2014
UNE ENFANCE DE RÊVE*
« Même si l’avenir s’accomplit exactement comme on l’avait rêvé, ça n’est plus le rêve puisqu’il est la présence, il est là, il est limité à lui-même, il devient quelque chose de fini.
Alors que le désir et le rêve sont quelque chose d’infini. »
Simone de Beauvoir,
entendue samedi 10 mai 2014,
France Culture, "Une vie une oeuvre"
Émission de Mathieu Garrigou-Lagrange
« […] Dieu n’avait pas encore accompli de miracle en ma faveur, et je devais bien reconnaître que même les saints et les génies avaient leur domaine d’élection, mais il m’avait confié une « importante mission », comme je le retrouve écrit en toutes lettres dans des pages où je notais de loin en loin des pensées, sans toutefois être plus précise sur la nature de cette mission. Je sentais en moi une disponibilité qui, dans un domaine ou un autre, m’ouvrirait un espace que je pourrais explorer sans jamais rencontrer de limite, sans avoir à me dire à un moment donné : « Non, ça, je ne peux pas le faire… » En fait, je n’entrevoyais de la vie qui m’attendait que la réalisation des désirs, je n’avais pas la moindre notion d’obstacles qui auraient pu l’empêcher, non pas que j’ignore ce que ma mère appelait justement les « réalités » mais j’avais une confiance absolue en mon intelligence, en ma faculté de compréhension pour les affronter – je n’étais pas pour rien « différente ». Jusqu’à ce que j’atteigne l’âge adulte, et même un peu au-delà, cette conviction ne m’a pas quittée. […] » pp. 212 – 213.*
De plus en plus d’auteurs parvenus à la soixantaine, font retour à leur enfance et d’une certaine manière, je les admire car si cette première période de la vie nous poursuit longtemps, il advient qu’un jour on cesse d’y penser sauf sous la forme du « Je me souviens » au travers d’un filet qui a laissé s’évader beaucoup de choses. Aussi est-il certainement compliqué et douloureux de « revenir » et de se livrer à une sorte d’enquête incluant des correspondances, des photographies en noir et blanc que nous ont laissées les morts, souvenirs du temps qu’on ne les connaissait pas.
Peut-être certains bâtissent-ils un nouveau « roman familial » ? Ce n’est pas la cas de Catherine Millet qui voit plutôt un « documentaire » dans son ouvrage « Une enfance de rêve ». À lire pour sa belle écriture, sa pertinence, son acuité, sa sensibilité et puis parce que dans le sillage de l’écrivain quoique dans des circonstances et des « cellules familiales » différentes, beaucoup reconnaîtront ces années confinées dont on s’évadait par la lecture et le rêve.
En France actuellement, la littérature décolle assez peu du « moi » de ses auteurs et les anciens enfants qui avaient pris l’habitude de fonctionner en monde épique sont accablés par ce bouillonnement de l’intime. Mais dans ce livre, il s’agit plus d’analyser comment c’est l’enfance, par rapport aux adultes leurs mots et leurs maux, par rapport à l’école. Ce qu’on rapporte de la maison à la cour de récréation : l’art de rire d'un quotidien pas drôle pour un auditoire fidèle (et pour soi-même). Une vocation se confirme (en secret).
Et puis un jour, l'auteur n'a plus besoin de transposer.
Roberte Roberte.
*Catherine Millet,
Une enfance de rêve,
Récit. Flammarion, 2014.
10:00 Publié dans Actualité, Blog, Lecture, Vieilles peaux | Lien permanent
23/04/2014
UN LIVRE
Jamais je n'ai pensé que je jetterais un livre.
Sauf qu'il est très ancien et
que ses pages se détachent.
Je le relis, sans enthousiasme (sur la
forme, c'est très daté).
Mais le titre a son éternité.
Roberte Roberte.
10:01 Publié dans Blog, Lecture | Lien permanent
22/03/2014
APRÈS...
« […] et chaque fois que quelqu’un qui vous connaît disparaît, vous perdez une vision de vous-même. Vous-même comme on vous voyait, comme on a jugé que vous étiez. Amants ou ennemis, mère ou ami, ceux qui nous connaissent nous construisent, et ces connaissances multiples forment les différentes facettes de nos caractères, comme les outils d’un tailleur de diamants. Chaque disparition est un pas vers la tombe, où toutes les versions se mêlent et s’achèvent. »
Salman Rushdie,
La terre sous ses pieds,
10/18, domaine étranger,
p. 702.
10:31 Publié dans Blog, Lecture | Lien permanent