23/01/2015
BARBARIE et CIVILISATION
« Rénovateur d’une critique des généalogies familiales, Freud était autant un penseur de l’irrationnel que le théoricien d’une démocratie élitiste. Il affirmait ainsi que seule la civilisation – c’est-à-dire la contrainte d’une loi imposée à la toute-puissance des pulsions meurtrières – permet à la société d’échapper à cette barbarie tant désirée par l’humanité elle-même. Et si Freud n’avait jamais été un grand lecteur de Sade, il partageait cependant avec lui l’idée que l’existence humaine se caractérise moins par une aspiration au bien et à la vertu que par la quête d’une permanente jouissance du mal : pulsion de mort, désir de cruauté, amour de la haine, aspiration au malheur et à la souffrance. Pour cette raison, il réhabilitait la belle idée selon laquelle la perversion est nécessaire à la civilisation en tant que part maudite des sociétés. Mais, au lieu d’ancrer le mal dans l’ordre naturel du monde et plutôt que de faire de l’animalité de l’homme le signe d’une infériorité raciale, il préférait soutenir que seuls les arts et la culture sont susceptibles d’arracher l’humanité à sa propre volonté d’anéantissement. »
Sigmund Freud en son temps et dans le nôtre,
Elisabeth Roudinesco, éd. du Seuil, pp. 272-273.
Les lectures de Roberte Roberte.
09:33 Publié dans Actualité, Art, Blog, Lecture | Lien permanent
21/01/2015
"J'APPELLE MES FRÈRES"
Extrait de ce beau texte publié dans Libération.
« […]
J’appelle mes frères et je chuchote. OK. Je l’admets. J’ai peur. Je suis terrifié. J’ai peur des balles et des explosions, des islamistes dans nos rues et des néofascistes dans notre Parlement. Je suis terrifié par tous ceux qui n’ont pas d’humour. Mais surtout, j’ai peur parce que l’Histoire semble toujours se répéter, parce que nous ne semblons jamais apprendre, parce que tous les signes indiquent que notre lâcheté et notre crainte de la soi-disant différence sont enracinées tellement profond que nous n’arriverons jamais à les dépasser.
J’appelle mes frères et je dis : « Il vient de se passer un truc complètement fou. Je suis monté dans le métro et j’ai vu un individu extrêmement suspicieux. Il avait des cheveux noirs et un énorme sac à dos ».
J’appelle mes frères et je dis : « Il m’a fallu une fraction de seconde pour comprendre que ce que j’avais vu, c’était mon propre reflet dans la vitre ».
« Jonas Hassen Khemiri, auteur suédois, avait écrit ce texte, J’appelle mes frères, pour la première fois, après un attentat à Stockholm en 2010. Il avait été publié par le grand journal suédois Dagens Nyheter. Il l’a réécrit pour Libération après l’attaque contre Charlie Hebdo. »
Jonas HASSEN KHEMIRI
in Libération n° 10473, mardi 20 janvier 2015,
REBONDS, p. 21.
"J’appelle mes frères" est aussi un livre du même auteur, publié en 2014 chez Actes Sud.
08:19 Publié dans Actualité, Blog, Lecture | Lien permanent
16/01/2015
RELIGION et RIRE
« […] Pourtant si un jour – et non plus comme exception plébéienne, mais comme ascèse du docte, confiée au témoignage indestructible de l’Écriture – l’art de la dérision se faisait acceptable, et apparaissait noble, et libéral, et non plus mécanique ; si un jour quelqu’un pouvait dire (et être entendu) : moi, je ris de l’Incarnation… Alors, nous n’aurions point d’armes pour arrêter ce blasphème, parce qu’il rassemblerait les forces obscures de la matière corporelle, celles qui s’affirment dans le pet dans le rot, et le rot et le pet s’arrogeraient le droit qui n’appartient qu’à l’esprit, de souffler où il veut ! ».
En 1327, Le Vénérable Jorge de Burgos,
in Le Nom de la rose, Umberto Eco,
Le Livre de Poche, éd. 39, 2013, p. 676.
Relecture de Roberte Roberte.
16:56 Publié dans Blog, Lecture, Religion | Lien permanent