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16/06/2019

DE L'APPARENCE

« Le dimanche de ma première conférence, une lettre cachetée fut déposée à l'hôtel à mon intention. L'auteur anonyme me prévenait d'un complot contre ma vie : selon lui, j'essuierais un coup de feu au moment d'entrer dans la salle. Je ne sais pourquoi je n'accordai aucune importance à cette histoire. Cependant, souhaitant éviter d'inquiéter mes camarades, je n'en fis pas état à mon ami C.V.Cook qui était venu pour m'accompagner au meeting. Je lui dis préférer m'y rendre toute seule.
Jamais je ne m'étais sentie aussi calme qu'en marchant nonchalamment de l'hôtel au lieu de réunion. À moins d'une rue de la salle, je levai instinctivement à hauteur de mon visage le grand sac que je portais toujours avec moi. J'entrai sans encombre et avançai vers la tribune, en tenant toujours le sac devant mon visage. Une idée me tarauda pendant toute la conférence : "Si seulement je pouvais protéger mon visage !". Le soir, je reproduisis le même numéro, portant le sac devant mon visage tout au long du chemin jusqu'à la salle. Les meetings se passèrent bien sans la moindre trace de conspirateurs.
Pendant des journées entières, je m'interrogeais pour trouver une explication plausible à mon geste ridicule avec le sac. Pourquoi avais-je été plus préoccupée de mon visage que de mon buste ou de n'importe quelle autre partie de mon corps? En pareille circonstance, un homme ne penserait sûrement pas à son visage. Et pourtant, face au risque bien réel de mourir, j'avais craint de me voir défigurée ! J'étais toute retournée de me découvrir une vanité féminine aussi banale. »

Emma Goldman, VIVRE MA VIE,
"Une anarchiste au temps des Révolutions",
Éd. L'ÉCHAPPÉE, p. 560.

Les lectures de Roberte Roberte.

30/05/2019

L'ASCENSION - MAIS PAS POUR TOUS

« Il n'est pas acceptable que 20 % des enfants dont beaucoup n'appartiennent pas aux milieux favorisés, entrent en sixième avec de grosses difficultés de lecture. La tolérance excessive qu'on a aujourd'hui pour une orthographe et une grammaire défectueuses n'est pas une bonne chose. Elle crée une fracture entre deux catégories de citoyens, ceux qui dominent la langue, ceux qui sont dominés par elle. Parce que, souvent, ils appartiennent justement aux "classes dominées"...
Or, rien ne permet de penser que l'école ne peut assurer correctement cette mission de base. On me dira que justement, ce fameux "retour aux fondamentaux", on n'entend parler que de cela dans les sphères de décision ! On pourrait s'en réjouir s'il ne nous venait pas en même temps quelques inquiétudes : il se prépare une réforme de l'enseignement professionnel qui réduirait de manière drastique les horaires de français et d'histoire dans les lycées professionnels dont le recrutement se fait plutôt dans les milieux populaires.* Pour creuser encore la fracture sociale, en les écartant des filières nobles, réservées à l'élite ? Ce n'est pas ce qui va rendre aux "gilets jaunes", une confiance dans l'école déjà bien entamée... »


Danièle Sallenave,
extrait des propos recueillis par Frédéric Joignot,
Cahier du Monde, science & médecine, n° 23127,
daté du mardi 21 mai 2019, p. 5.

Les lectures de Roberte Roberte
(*c'est moi qui souligne)

10:40 Publié dans Blog, Lecture, Politique, Presse | Lien permanent

29/05/2019

ADIEU

« Un des narrateurs de Weyergans ne s'interrogeait-il pas :

« Pourquoi la vie s'arrête-t-elle la veille de notre enterrement, l'une des rares occasions de succès qui nous soit donnée ? »

 

Le Monde, n° 23135,
jeudi 30 - vendredi 31 mai 2019, p. 22,
Extrait de la nécrologie par Philippe-Jean Catinchi,
de François Weyergans,
Écrivain, cinéaste et académicien,
décédé le 27 mai 2019.

 

Les lectures de Roberte Roberte.

20:03 Publié dans Blog, Lecture, Presse | Lien permanent