07/03/2019
COCKTAIL
Jacques Mandelbaum :
« Comment expliquez-vous, pour votre part, cette crise de la démocratie et cette tentation du repli identitaire, qui gagnent de nombreux pays, y compris en Europe ? »
Nanni Moretti :
« Je vous propose ce cocktail : une crise objective des classes moyennes et populaires ; la disparition de la gauche et des idéaux collectifs ; la peur de l'autre sourdement entretenue dans les esprits ; la détestable emprise du Web sur notre comportement social et notre manière de penser. »
Extrait de la page
CULTURE / ENTRETIEN,
Le Monde, n° 23057,
daté du mercredi 27 février 2019.
Les lectures de Roberte Roberte.
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02/03/2019
L'HORREUR ÉCONOMIQUE
« Les privations subies aujourd’hui par des individus en nombre considérable et qui va grandissant, risquent de n’être que des préalables au rejet (qui peut devenir radical) de ceux qui les endurent ; elles n’ont pas vocation à s’affaiblir et à décroître, comme le prétendent sans conviction les discours politiques énoncés et non agis, mais à affaiblir davantage et au moins écarter ceux qui en sont les proies. Le discours économique (agi, lui, mais non énoncé) va dans ce sens : les masses sont ici de vagues abstractions et l’on ne se soucie guère des disparités, si ce n’est pour gérer au plus bas les quelques faibles acquis des éléments les plus fragiles, bientôt exclus, autrement dit inclus plus avant dans la dépossession.
S’il n’y a plus grand place et si ce peu de place va rétrécissant du fait que le travail disparaît – un travail sur lequel pourtant la société se fonde encore et dont dépend toujours la survie des vivants –, cette disparition ne gêne en rien les vrais pouvoirs, ceux de l’économie de marché. Mais la misère causée par cette disparition n’est pas non plus leur but. Ils la rencontrent plutôt comme un inconvénient placé sur leur chemin et dont, tant qu’à faire, on peut tirer parti – on sait que la misère profite souvent au profit. Ce qui leur importe et laisse dans l’ombre tous autres phénomènes, ce sont les masses monétaires, les jeux financiers – ces spéculations, ces transactions inédites, ces flux impalpables, cette réalité virtuelle, aujourd’hui plus influente qu’aucune.
Or, force est de constater que, de leur part, ce n’est là que raison. Cette conjoncture et ces phénomènes correspondent absolument à leur vocation, à leurs devoirs professionnels et même à leur sens de l’éthique. Et puis, la passion si grisante, si humaine, trop humaine, du pouvoir et du gain trouve ici à la fois ses sources et les territoires où s’exalter, irrésistible, dévorante et dévoratrice. Ceux qui participent de cette puissance trouvent dans ce contexte leurs rôles naturels. Le drame tient surtout à ce que les autres rôles gisent abandonnés.
Une longue histoire, très longue et très patiente, souterraine et secrète, menée dans l’ombre, a dû provoquer l’abandon de ces rôles. Démissions qui ont facilité l’hégémonie d’une économie privée devenue anonyme et que des fusions massives, à l’échelle planétaire, ont regroupée en réseaux enchevêtrés, inextricables mais si mobiles, d’une ubiquité telle qu’ils ne sont guère repérables, échappant ainsi à tout ce qui pourrait les contraindre, les surveiller ou même les observer. »
Viviane Forrester, L’horreur économique, Fayard, septembre 1996, pp. 38-39.
(Rediffusion)
Les lectures de Roberte Roberte.
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19/02/2019
QUOI ?
© photo Claire L., Métropolitain parisien, station Réaumur-Sébastopol, 21 janvier 2018.
(Rediffusion.)
09:20 Publié dans Blog, Lecture, Où se pose le regard | Lien permanent | Tags : mots de la rue