26/08/2018
CLIMAT
« Le Monde :
Le Pommier réédite en septembre "Le Contrat naturel" et, bientôt, "Le Tiers instruit", qui sont sortis pour la première fois il y a presque trente ans. Pour quelles raisons ?Michel Serres :
Mes nouvelles préfaces expliquent que les sciences dures ont changé le monde, mais que les administrateurs ne sont pas instruits des causes. Ceux qui gouvernent commandent un monde qui se transforme pour des raisons qu'ils ignorent. Et cette absence d'instruction savante est vraiment dramatique. Il y a trente ans, on parlait sereinement du monde, aujourd'hui il nous dépasse. Il est donc urgent d'établir un contrat naturel. Or, on ne pourra le faire que si on met les sciences de la vie et de la Terre au programme de Sciences Po et de l'ENA. Imaginez un examen de physique quantique au concours d'entrée de l'ENA, ça révolutionnerait pas mal les choses ! Ça permettrait surtout à ceux qui nous gouvernent de savoir ce que signifie le mot « climat ».
Le Monde n° 22887, daté des 12 et 13 août 2018,
Extrait de L'été des Débats, p. 22.
Michel Serres :
« Ce n'était pas mieux avant,
mais ça pourrait être pire après ! »
Propos recueillis par Nicolas Truong.
Les lectures de Roberte Roberte.
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23/08/2018
HEUREUX LES DOUX
« Je ne pouvais pas me réfugier, comme tant d’autres, dans l’Église et ses mystères. Mes parents rejetaient tous les dogmes. Nous méprisions les jours fériés vantés par les gens qui voulaient être blancs. Nous ne nous levions pas pendant leurs hymnes. On ne s’agenouillait pas devant leur Dieu. Je n’avais donc aucune raison de croire qu’un Dieu empreint de justice était de mon côté. « Heureux les doux, car ils posséderont la terre » ne signifiait rien à mes yeux. Les doux, on les tabassait à West Baltimore, on les piétinait sur Walbrook Junction, on les massacrait sur Park Heights et on les violait dans les douches de la prison municipale. J’avais une compréhension physique du monde. Sa morale était tendue vers le chaos et se terminait dans une caisse en bois. »
TA-NEHISI COATES,
Une colère noire – Lettre à mon fils,
éd. Autrement, 2016, pp. 49-50.
Les lectures de Roberte Roberte.
(Rediffusion).
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18/08/2018
LABYRINTHES
« La nuit, je relus la fin de la ligature d'Isaac. La façon très concrète dont cette épreuve s'achève m'émerveilla et, dans le même temps, je me demandai ce que l'on pouvait retirer de l'obéissance à un ordre inhumain. Que pouvait se dire Abraham ? J'ai réussi, j'ai obéi au commandement de Dieu, j'ai freiné la miséricorde en moi ? J'ai été un exemple pour les générations futures ? Et que pouvait-il dire à son fils Isaac ? Merci de t'être comporté ainsi à mes côtés, avec un courage bien plus grand que le mien ? Cette péricope est un sombre labyrinthe qui ouvre sur de sombres labyrinthes, et c'est pour cela que mieux valait se rendre à Beer-Sheva avec les ânes, sans rien dire, comme l'a fait Abraham. Toute parole sur une telle épreuve aurait été stupide. Abraham s'était exécuté face à l'ordre reçu. Il en souffrirait sans nul doute le restant de sa vie. D'ailleurs, la Bible ne nous dit rien de plus sur lui, jusqu'à sa mort. »
Aharon Appelfeld,
Le garçon qui voulait dormir,
Éd. POINTS, 2012, p. 177.
Les lectures de Roberte Roberte.
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