05/05/2013
LE CABINET RENVERSÉ
Dans la manifestation du 1er mai 2013, certains, par pancarte interposée, disent qu'ils attendaient Jaurès et se retrouvent avec René Coty. Eh bien, il en fallait de l'imagination pour songer à Jaurès ! Pour qui suivit la primaire socialiste, tout était dit. C'est pourquoi nous exhumons ce texte, inséré dans le blog en avril 2012.
Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts, de Libération (1), je les lis chaque semaine avec beaucoup d’intérêt et souvent le fou rire. Si j’ai manqué un soir au devoir culturel ou civique de regarder la télé, grâce à eux, c’est comme si j’y étais.
Ainsi, samedi dernier, dans l’article « Bon vote et tous nos meilleurs vieux », ils nous initient à l’émission Qui veut devenir président (2) : « Quatre candidats et un jury ». Les candidats sont jeunes, le jury est vieux, comme souvent dans la vraie vie. Reportez-vous à cet article si vous voulez vous amuser. Moi, j’ai retenu la phrase suivante :
« Duhamel (3) attendri comme la première fois où il a vu l’homme d’Etat percer sous René Coty ».
René Coty : retour direct aux années (19)50. Il fut le dernier Président de la IVe République, élu au 13e tour de scrutin (suffrage indirect) sans même s'être présenté ! Et de ce temps-là, je me souviens :
C’était le dimanche matin. Dans ce paisible quartier parisien, les hommes « bichonnaient » leurs automobiles dans la rue, je te lave, je te lustre, je fais tourner le moteur. Les femmes embigoudées s’affairaient au fricot. On avait expédié les enfants à la messe (spirituelle garderie). À treize heures, on était tout propres pour attaquer le déjeuner sans fin. Au café, les grandes personnes écoutaient sans vergogne sur le nouveau « tourne-disques », La Messe de Champi (4). Après La Messe, il y avait un texte à caractère politique dont j’ai oublié le titre, et les adultes ne manquaient jamais de s’esclaffer à la phrase suivante : « Le cabinet renversé, ça n’sent pas ! » (5). Cela que je ne comprenais pas, m’intriguait et me déplaisait venant de gens supposés raisonnables. C’est pourquoi je n’ai jamais oublié l’expression.
Heureusement, les temps ont changé.
Roberte Roberte.
1. Libération, samedi 14 et dimanche 15 avril 2012, REGARDER LE MAG, p. XVII.
2. Mardi 10 avril, France 4.
3. Alain Duhamel, journaliste.
4. Champi n'était pas un musicien mais ce qu'on appellerait aujourd'hui un humoriste.
5. Entre 1954 et 1958 : Cabinets Mendès-France, Edgar Faure, Guy Mollet, Bourgès-Maunoury, Félix Gaillard, Pflimlin, de Gaulle.
07:20 Publié dans Blog, Politique, Presse, Vieilles peaux | Lien permanent
22/03/2013
SILENCE DE LA VIEILLE
Elle réalisa un jour
qu'elle ne terminait plus ses phrases
et résolut donc de ne pas les commencer.
Roberte Roberte.
09:26 Publié dans Blog, Vieilles peaux | Lien permanent
17/03/2013
LA GLACE
« Il regardait ailleurs pour ne pas rencontrer son regard maigri, décoloré. Dès qu’elle était descendue de l’avion, à l’infinie prudence qu’elle avait mise à franchir la passerelle, il avait compris. Ça y était, c’en était fait vraiment : une vieille femme était assise à côté de lui. Et la mère le vit parce qu’il y avait des larmes dans les yeux de son fils. Alors elle lui prit la main.
« Ça m’est arrivé d’un seul coup, expliqua-t-elle doucement, dans l’hiver d’il y a deux ans. Un matin, je me suis regardée dans la glace et je ne me suis pas reconnue. » [...] »
Marguerite Duras,
Des journées entières dans les arbres,
BIBLIOTHÈQUE DE LA PLÉIADE, NRF,
Oeuvres complètes, I, p. 989.
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