11/09/2013
À LA MANIFESTATION CONTRE LA RÉFORME DES RETRAITES
© photo Anna Livia, Paris 11e, 10 septembre 2013.
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04/09/2013
"COMME SI ON EN AVAIT HONTE"
[...] Drôle de chose un anniversaire. Triste et gaie à la fois. Tristes les années qui s’empilent. Gais les signes d’affection qu’on reçoit ce jour-là. C’est d’ailleurs surtout à cela que sert de fêter un anniversaire : nous rappeler que nous appartenons à un délicieux réseau de liens affectifs. Ce n’est pas tant la fête d’une personne que celle de l’amour. Quant à vieillir... Motus et bouche cousue. C’est le grand non-dit de notre société. Comme si on en avait honte. Pour ne pas effrayer aussi. Du reste, j’ai, comme bien d’autres, longtemps pensé (d’une pensée intuitive, non articulée) que cela ne me concernerait pas. Mais chut. [...]
LA SEMAINE DE... BELINDA CANNONE,
« Le grelot délicieux de l’intime »
Libération n° 10046,
samedi 31 août et dimanche 1er septembre 2013,
LIRE LE MAG, XIX.
C’est bien normal qu’on ne se projette pas dans la vieillesse : on y est projeté (en dépit de l’apparente lenteur du processus).
RadicÔlibres.
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27/08/2013
LES VIEILLES
Comme j’avais quelques heures de train à subir, je fis l’acquisition d’un livre de poche. En qualité de vieille peau intervenant parfois dans ce blog, j’achetai évidemment un ouvrage quasiment « professionnel » :
« Les vieilles » de Pascale Gautier, prix Renaudot Poche 2012.
Ça commençait mal, avec le nom d’une rue « Jean-Eymard » où habite une vieille femme très sourde qui écoute la télévision à fond. J’apprendrai ensuite que la localité s’appelle « Trou » et que le soleil y brille 365 jours sur 365, ce qui explique une concentration incroyable de vieilles plutôt que de vieux (ils sont morts). Parmi les « héroïnes » : la veuve mélancolique, l’inévitable bigote, l'alcoolique, la mère (forcément) agressive, la sexuellement-délurée-jusqu’à-la-fin-de-ses- jours et la
« jeune » retraitée.
Il y a quand même un vieux, 90 ans qui s’entraîne pour un marathon et a conservé ses attributs en état de marche. Pas très loin, un jeune homme s’occupe du crématorium ultramoderne et performant comme l’exige l’âge moyen de la population. Ce jeune homme aime les vieilles (mais je ne vais pas tout vous dire).
Une citation (p. 28) :
« Derrière la préfecture se trouvait une colonie de vieilles ruelles bordées de vieilles maisons. Vieux toits de vieilles tuiles, vieilles façades repeintes en vieux rose, vieux pots de vieilles fleurs posés là, arrosés de vieille pisse de vieux chiens. Elle avait d’abord croisé une femme d’un âge incertain qui peinait à pousser son caddie vide. Elle faisait du trois mètres à l’heure, empaquetée dans un manteau épais et informe. Puis un homme à tête de crapaud s’est approché en boitant. Sa peau bistre était couverte de verrues. Il ne l’avait pas vue, s’était arrêté, glougloutant quelques mots incompréhensibles pendant que sa main gauche sortait de la poche de son pantalon, s’élançait dans les airs, s’arrêtait en plein vol puis retournait dans sa poche. Cinq fois comme ça avant de s’éloigner. Une vieille accrochée à une moins vieille l’avait bousculée sciemment. Elle les avait vues modifier leur trajectoire et foncer sur elle. La plus laide lui avait donné un coup de canne en ricanant. Un pépé était alors apparu, tenant en laisse un chien hideux dont les deux pattes de derrière ne touchaient plus le sol. Une chose à roulettes était fixée à son arrière-train pour lui permettre d’avancer. Mon bébé, répétait-il, mon bébé, mon bébé ! Elle avait poursuivi jusqu’à une place, envahie de pigeons gras, qui s’ouvrait sur un cours. On n’est pas sérieux quand on a quatre-vingt-dix-sept ans et des tilleuls verts sur la promenade.* Là, installées sur des bancs, des cohortes d’antiques, des brochettes de permanentes bleues, des colonies d’yeux aveugles et de cannes blanches. Un soleil froid illuminait la scène. Elle n’avait jamais vu ça. Des dizaines et des dizaines de créatures décrépites en plein conciliabule. Telles des mouches dans l’étable qui bourdonnent autour des pots remplis de lait, telles étaient-elles toutes en train de parler de leur tension, de leur cœur, de leur cataracte, des soins qui n’étaient jamais assez bien faits, des médecins qui n’étaient jamais assez attentifs, de tout cela qui, avant, ne se produisait pas, parce qu’avant, bien sûr, avant était l’âge merveilleux de leur jeunesse d’or. »
Contrairement à ce qu’annonce la quatrième de couverture1, le style ici relève plus d’une allégresse méchante que de l’humour ou de l’impertinence. C’est ainsi, avec les progrès de la médecine, des cohortes de vieux vont leur chemin au soleil ou tout bêtement dans des établissements adéquats où ils sont invisibles et heurtent moins par conséquent, la «sensibilité» de la jeunesse. Le vieux souvent, est moche, cassé, il perd la tête et on ne peut s’en débarrasser comme on le fait d’un matériel obsolète. Il n’est pas interdit d’en rire, évidemment mais n’est-ce pas plutôt pour conjurer sa frayeur du devenir qu’on en rit de la sorte ? Le vieux ne sera pas toujours l'autre.
Vous l’aurez compris, je n’ai pas aimé ce livre méprisant, dépourvu de nuances qui est un catalogue de clichés et où l’on cherche en vain un peu d’empathie.
*C’est moi qui souligne : ça doit être ça, "l'humour" dont est gratifié ce livre.
1. « Dans ce nouveau roman, irrésistible de fraîcheur, Pascale Gautier bouscule, avec humour et impertinence, nombre d’idées reçues sur la vieillesse »
© Emeline Plantempot.
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