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24/12/2016

LE RÉVEILLON DE MAMIE

Mamie est comprimée.
Elle avait laissé tomber ses seins depuis…
Noël dernier et les voici broyés
Par des armatures sans pitié :
Elle peine à respirer.

Mamie est serrée.
Elle a échangé son pantalon de jogging
Contre une jupe à la taille trop ajustée.
Sous l’ample chemisier, son ventre 
proémine : elle ne peut rien manger. 

Mamie a mal aux pieds.
Elle rêve de tennis où vautrer ses orteils,
Ses cors et autres pénibles callosités.
C’est malin,
D’avoir mis des escarpins.

Pas un mot plus haut que l’autre, Mamie !
(Comme c’est étrange.)

 « Détends-toi, Mamie, c’est Noël ! »
S’exclament joyeusement les enfants.

© Roberte Roberte.

 

12/12/2016

VIEILLES PEAUX

P1020789_2.JPG

Publicité dans le métropolitain parisien d'une marque
de chocolat qui commence par "Su".

Si vous avez la chance de ne pas passer Noël seule,
n'oubliez pas de vous raser de près
et n'embrassez personne en repartant.

© photo Anna Livia, 18 décembre 2011.
(Rediffusion.)

08/11/2016

LA BOÎTE À CRAYONS

« […] Tant qu’on est encore jeune, on ne comprend rien de la cruauté de ce qui arrive, fatalement. On le sait, pourtant. Mais on ne réalise pas. Comme toutes les jeunes filles, Sylvie pensait que sa beauté était une qualité qui lui appartenait : elle vieillirait, mais elle resterait belle. Être enfermée dans sa peau est devenu une tragédie, une injustice terrible dont elle ne peut se plaindre à quiconque. Très longtemps, elle a cru qu’en s’entretenant, tout irait bien.

Ça s’est arrêté un été. Elle était sous la douche, pour rafraîchir la brûlure du soleil et rincer le sel. En s’essuyant, elle avait été surprise de sentir un peu de sable sous ses seins. Puis l’évidence l’avait frappée. Elle était restée stupéfaite, transpercée d’une flèche invisible. En plein cœur. Elle venait de comprendre : une fois qu’ils tombent il faut penser à les soulever pour les rincer. Le test du crayon lui était revenu en tête – quand elle était petite, les femmes parlaient de ça : si le crayon glissé sous les seins ne tombe pas, c’est foutu. […] »

Vernon Subutex, © Virginie Despentes,
éd. Grasset & Fasquelle, 2015.
in "Le Livre de Poche", avril 2016, T.1, pp. 152-153.

Les lectures de Roberte Roberte.