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07/11/2018

LES OREILLES ROUGES

« Je ne comprends peut-être pas les jeunes d'aujourd'hui. J'aimerais leur parler et leur demander comment cela se passe pour eux et pour leurs amis – mais une timidité m'en empêche. Et peut-être ne comprenais-je même pas les jeunes quand j'étais jeune. Cela pourrait être vrai aussi.

Mais, au cas où vous vous poseriez la question, je n'envie pas les jeunes. Au temps de ma rage et de mon insolence adolescentes, je me demandais : À quoi servent les vieux, sinon à envier les jeunes? Cela me semblait constituer leur principale et ultime raison d'être avant l'extinction. J'allais retrouver Susan un après-midi, à pied, et je suis arrivé au passage pour piétons du Village. Une voiture approchait, mais, avec la hâte bien normale d'un amoureux, j'ai avancé pour traverser. Le conducteur a freiné, plus brusquement qu'il n'en avait à l'évidence eu l'intention, et a klaxonné furieusement. Alors j'ai stoppé net là où j'étais, juste devant le capot de la voiture, et j'ai fixé le type des yeux. Je reconnais que j'étais peut-être agaçant à voir. Cheveux longs, jean pourpre, et jeune − bougrement, foutrement jeune. L'homme a baissé sa vitre et s'est mis à m'engueuler. Je suis allé tranquillement vers lui, en souriant, et tout prêt à la confrontation. Il était vieux – bougrement, foutrement vieux, avec ces stupides oreilles rouges de vieux. Vous connaissez ce genre d'oreille, toute charnue, avec des poils dedans et dehors ? Des poils épais et raides à l'intérieur, fins et pelucheux à l'extérieur.

"Vous serez mort avant moi ! " lui ai-je dit avant de m'éloigner, d'une allure aussi irritante que possible. »

Julian Barnes, La seule histoire, roman,
traduit de l'anglais par Jean-Pierre Aoustin,
Mercure de France, bibliothèque étrangère, pp. 32-33.

Les lectures de Roberte Roberte.
(On retrouve les "oreilles rouges" à la page 255 du livre.
Mais je ne vais pas tout vous dire : lisez-le !!!).

10:56 Publié dans Blog, Lecture, Vieilles peaux | Lien permanent

01/11/2018

VIEUX

« Il allait bientôt avoir quatre-vingts ans et s'était mis à oublier les événements les plus récents mais le passé brillait dans sa mémoire d'un éclat de plus en plus vif comme l'or au fond du Rhin. Le fleuve de sa pensée n'était plus limpide, ses eaux étaient un flot opaque et boueux, et en elles sa conscience perdait lentement prise sur la chronologie, sur ce qui relevait du passé ou du présent, sur ce qui était vérité concrète et ce qui provenait du monde enchanté des rêves. La bibliothèque du temps était en plein désordre, ses classements dérangés, ses index gribouillés ou détruits. Il y avait les bons et les mauvais jours mais, avec le temps, les journées lointaines d'autrefois brillaient plus vivement que la semaine précédente. […] »

Salman Rushdie,
La Maison Golden,
roman traduit de l'anglais par Gérard Meudal,
éd. Actes Sud, août 2018, p. 347.

Les lectures de Roberte Roberte.

09:27 Publié dans Blog, Lecture, Vieilles peaux | Lien permanent

09/10/2018

VIEILLES PEAUX

Lucidité d'un jour :

Se taire,

c'est encore la meilleure façon

de ne pas radoter.

© RadicÔlibres 2009 (rediffusion).