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12/10/2018

COMME UNE POÉSIE

"Le Cabinet des lettrés

Ceux qui aiment ardemment les livres constituent sans qu'ils le sachent une société secrète. Le plaisir de la lecture, la curiosité de tout et une médisance sans âge les rassemblent.
Leurs choix ne correspondent jamais à ceux des marchands, des professeurs ni des académies. Ils ne respectent pas le goût des autres et vont se loger plutôt dans les interstices et les replis, la solitude, les oublis, les confins du temps, les moeurs passionnées, les zones d'ombre.
Ils forment à eux seuls une bibliothèque de vies brèves. Ils s'entrelisent dans le silence, à la lueur des chandelles, dans le recoin de leur bibliothèque tandis que la classe des guerriers s'entre-tue avec fracas et que celle des marchands s'entre-dévore en criaillant dans la lumière tombant à plomb sur les places des bourgs."

 

Épilogue de tous les ouvrages édités par "Le Promeneur",
Le Cabinet des Lettrés, Gallimard.
Recueilli cette fois dans "Louise Bourgeois - Moi, Eugénie Grandet",
Précédé d'un essai de Jean Frémon, octobre 2010.

 Les lectures de Roberte Roberte. (Rediffusion.)

11:50 Publié dans Art, Blog, Lecture | Lien permanent

10/10/2018

OUI, MAIS... FAIRE UN SELFIE AVEC LA JOCONDE...

« Au printemps (1960), elle publie dans Daedalus un article qui fera date sur la crise de la culture (1). Prophétisant une société, qu'on le veuille ou non, de masse, "Society and Culture" s'alarme du devenir de la culture dans un environnement où règnent les lois économiques. À société de masse, culture de masse. Hannah Arendt fait l'historique de la notion même de culture. Par essence, la culture est ce qui perdure. Au fil du temps, cette idée même de permanence attachée à l'oeuvre culturelle se désintègre et la culture, d'atteinte de la perfection, d'approche de la beauté, se transforme pour devenir une valeur marchande comme une autre. Ce processus connut son apogée en Allemagne dès les années 1920. Hannah, dans une démonstration lumineuse et aujourd'hui encore provocatrice, prophétise l'éviction de la culture dans cette nouvelle société qu'on nous annonce. Car la société de masse ne veut pas de la culture mais des loisirs. Dans un pressentiment de notre futur d'une finesse et d'une subtilité exceptionnelles, Hannah théorise ce qui ne fait que commencer : l'éradication pure et simple de la culture, réduite à un ghetto parce que jugée inutile dans le champ social de l'industrialisation des loisirs. Elle met l'accent sur la menace que le besoin de loisirs fait peser sur le monde culturel tout entier et dissèque admirablement le processus par lequel la culture se trouve détruite pour engendrer le loisir. »

1. "Society and Culture", Daedalus, printemps 1960. Cet article donnera son titre à l'ouvrage La Crise de la culture, dont il constitue le chapitre VI, "La crise de la culture. Sa portée sociale et politique", traduit par Barbara Cassin sous la direction de Patrick Lévy, pp. 253-288.

 

in "Dans les pas de Hannah Arendt",
Laure Adler, Gallimard, septembre 2005,
pp. 405-406.

Les lectures de Roberte Roberte.

10:55 Publié dans Art, Blog, Lecture, Philosophie, Politique | Lien permanent

24/08/2018

COTERIE INTERNATIONALE

Vu hier, sur Arte, "La Ruée vers l'art", documentaire 2013 de Marianne Lamour.

 

Bien sûr, il y est question des montants faramineux des prix des oeuvres d'artistes souvent découverts, peut-être inspirés, sûrement stimulés puis mis en scène par leurs collectionneurs-mêmes. Les foires ressemblent plus au Bal des vampires qu'à la munificence viscontienne. L'internationalisation de cet art super fait grimper la tension des super-capitalistes qui voient dans ce type d'investissement un moyen de protéger leurs super-fortunes et de commercer dans leur monde avec la compétition pour enjeu majeur.

On imagine que de tels collectionneurs ont déjà prévu de rester, au-delà de la mort, au milieu des oeuvres qu'ils ont tant aimées, là où ils les ont installées. Le problème est certainement de choisir quel artiste reconnaissant sera chargé de l'ultime transformation : ça craint.

On imagine aussi, avec un certain plaisir, qu'un jeune homme fasciné s'arrange pour être convié à toutes les agapes qui accompagnent forcément les manifestations artistiques de renom. Ce jeune homme diffusera sur la Toile le livre où seront décrits avec une certaine ironie, les coutumes et le snobisme d'une société dépassée, ruinée par l'entretien de collections à date de consommation limitée.

Ne pas rire ("Vous n'y comprenez rien !") mais admirer plutôt cette admirable, inextinguible – et désintéressée Foi en l'Art.

© Roberte Roberte.