08/10/2017
DE LA PROPAGATION DE L'ART
Lalla (Fatma N’Soumer), peintre :
« - […] Je suis allé à l’École des beaux-arts d’Alger et c’est là que j’ai rencontré Issiakhem*. Il m’impressionnait, bien sûr, mais pas pour des raisons artistiques (je ne savais pas ce que ça voulait dire être bon ou mauvais en peinture, je ne suis pas sûr de le savoir aujourd’hui non plus), non, il m’impressionnait parce que je savais que c’était lui qui avait dessiné les billets de banque de cinq dinars, et ça, ça me paraissait la réussite absolue. Je veux dire : tu fais une peinture qui va dans telle galerie ou dans un musée, c’est bien pour toi, c’est joli pour ton CV. Mais les billets de cinq dinars ! Ils circulent à longueur de journée. Tout le monde les voit. Ta peinture jaillit des portefeuilles et des fichus et des chaussettes, cling-cling, ta peinture sort de la caisse du magasin, ta peinture rentre dans les banques, se cache sous le matelas. Je crois que si je n’ai jamais aimé peintre des grands formats, c’est parce que j’étais trop impressionné par les foutus billets de cinq dinars d’Issiakhem. »
Alice Zeniter, L’Art de perdre,
Éditions Flammarion, août 2017, p. 397.
*M’hamed Issiakhem, peintre, né et mort en Algérie (1928 – 1985). Voir Wikipédia qui présente une photo recto-verso du billet.
Les lectures de Roberte Roberte : cette citation n'a pas grand-chose à voir avec le thème de ce livre dont je reparlerai certainement.
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