27/03/2019
Nathalie SARRAUTE - Avant-garde
« […] Mes enfants vous le diraient. Je crois toujours que tout est perfectible, y compris les êtres – et les livres. Avec eux – les enfants – j’étais une mère insupportable à cause de ça, et avec eux, les livres, je ne peux pas les relire, car j’aurais envie de les refaire. Il n’y a que le visage, hélas, qui ne se refasse pas. Depuis trente-sept ans, j’avais une glace épatante, où mon image ne changeait pas, parce que ma vue baissait à mesure que j’avançais en âge. Nous étions très contentes l’une de l’autre. Et puis on m’a obligée à porter des verres de contact, et je me suis vue, ce qui s’appelle vue. Une vieille horreur ! Ce n’est pas moi, ce ne peut pas être moi. C’est comme les photos : toujours trop belles ou trop épouvantables, jamais moi. »
Avec ses partenaires des Éditions de Minuit, donc, les rivalités n’ont pas tardé, ni les vacheries en douce. Ainsi, à une réunion sorbonnarde sur Joyce présidée par Butor, celui-ci se débrouille pour parler de Nathalie Sarraute, grand écrivain « qui pourrait être ma mère et n’a pas hésité à se joindre à nous », etc. Pendant toute la séance, elle médite hors d’elle, pour déclarer à la fin qu’elle est fière de pouvoir être la mère de Butor, « car il est évidemment plus honorable d’appartenir à l’avant-garde avec ses fils qu’avec ses parents ».
Mathieu Galey,
Journal intégral, 1953-1986,
Éd. Robert Laffont, Coll. Bouquins,
p. 638, Mardi de Pâques 1982.
Les lectures de Roberte Roberte.
(Rediffusion.)
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