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08/11/2016

LA BOÎTE À CRAYONS

« […] Tant qu’on est encore jeune, on ne comprend rien de la cruauté de ce qui arrive, fatalement. On le sait, pourtant. Mais on ne réalise pas. Comme toutes les jeunes filles, Sylvie pensait que sa beauté était une qualité qui lui appartenait : elle vieillirait, mais elle resterait belle. Être enfermée dans sa peau est devenu une tragédie, une injustice terrible dont elle ne peut se plaindre à quiconque. Très longtemps, elle a cru qu’en s’entretenant, tout irait bien.

Ça s’est arrêté un été. Elle était sous la douche, pour rafraîchir la brûlure du soleil et rincer le sel. En s’essuyant, elle avait été surprise de sentir un peu de sable sous ses seins. Puis l’évidence l’avait frappée. Elle était restée stupéfaite, transpercée d’une flèche invisible. En plein cœur. Elle venait de comprendre : une fois qu’ils tombent il faut penser à les soulever pour les rincer. Le test du crayon lui était revenu en tête – quand elle était petite, les femmes parlaient de ça : si le crayon glissé sous les seins ne tombe pas, c’est foutu. […] »

Vernon Subutex, © Virginie Despentes,
éd. Grasset & Fasquelle, 2015.
in "Le Livre de Poche", avril 2016, T.1, pp. 152-153.

Les lectures de Roberte Roberte.

 

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