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25/02/2018

LE RETRAITÉ

« […] C’est une condition comme une autre, et elle porte la marque de la cohérence la plus naturelle, et aussi de la plus naturelle banalité. Tout aspect paradoxal disparaît, une fois qu’on se trouve de ce côté de l’affaire. Un grand dégrisement – c’est ainsi que je pourrais appeler ma condition ; libération de toute charge, légèreté dansante ; vide, irresponsabilité, nivellement des différences, relâchement de tous les liens ; mol étirement de toutes les frontières. Rien ne me tient et rien ne me garde captif ; un manque de résistance ; une liberté sans limites. Une indifférence singulière, grâce à laquelle je glisse, léger, à travers toutes les dimensions de l’existence – cela devrait plutôt être agréable. Cet état sans fond, cette citoyenneté universelle, ce manque, presque, de souci, ce peu d’intérêt aux choses, cette absence de poids ; je ne peux pas me plaindre. Il existe une expression : ne pouvoir réchauffer nulle place. Oui, c’est cela : depuis longtemps, je ne réchauffe plus la place sous moi. »

Bruno SCHULZ,
Le sanatorium au croque-mort,
"Le retraité", p. 217,
L'Imaginaire, Gallimard, 2010.

 

Les lectures de Roberte Roberte. (Rediffusion.)

09:21 Publié dans Blog, Lecture, Vieilles peaux | Lien permanent

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