08/07/2020
RETOUR SUR UN MÉTIER D'AVENIR
« JEUNE FILLE : Mais, un jour, je me suis renseignée à notre syndicat et j’ai vu qu’il rentrait tout à fait dans nos attributions normales de faire la plupart des choses que nous faisons. C’était il y a deux ans. Je peux bien vous le dire, au fond, nous avons parfois dans notre travail à nous occuper de très vieilles femmes de parfois quatre-vingt-deux ans, et qui pèsent jusqu’à quatre-vingt-douze kilos, et qui n’ont plus leur raison, et qui font leurs besoins dans leurs robes à toute heure du jour et de la nuit et dont personne ne veut plus entendre parler. C’est si pénible que, oui, je l’avoue, il nous arrive parfois d’aller jusqu’au syndicat. Et il se trouve que ces choses ne sont pas interdites, qu’on n’y a même pas pensé. D’ailleurs, même si on y avait pensé, vous savez bien, monsieur, qu’il s’en trouverait toujours parmi nous pour accepter de faire n’importe quel travail, qu’il y en aurait toujours pour accepter de faire ce que nous refuserions de faire, qu’il s’en trouverait toujours qui ne pourraient faire autrement que d’accepter de faire ce que tout le monde aurait honte de faire. »
Marguerite Duras, Œuvres complètes,
Vol. II, Bibliothèque de la Pléiade, NRF.
Le Square, trois tableaux, 1961.
Deuxième tableau, p. 478.
Les lectures de Roberte Roberte.
(Rediffusion.)
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