21/11/2010
À PROPOS
Je lis "La peau" de Malaparte. Le livre, on ne peut pas le quitter, sauf qu'il faudra bien retourner au bureau. Et puis, on n'est pas dans la "prestigieuse collection blanche" mais dans folio, page 46, c'est à peine imprimé comme bien d'autres pages, ça me met en rage et me distrait de la lecture, alors, je les entends... mes voisines de ce restaurant rapide. Elles en ont contre "elle", la chef, la collègue. Et elles se libèrent réciproquement, avec la verve des gens qui travaillent tant et pour si peu ; qui passent tant de temps sur leur lieu d'activité professionnelle qu'ils se demandent ce qu'il leur reste de liberté ou qui sont trop fatigués pour l'exploiter ; qui sont si souvent blessés par une hiérarchie aveugle. C'est le courant de la vie, la médisance comme thérapie, ce qu'on saisit dans n'importe quel restaurant si l'on tend l'oreille. Mais on s'en fout et "les paroles s'envolent".
Tandis que les écrits restent. Ou que l'écran peut être "capturé" par le premier délateur venu. Ainsi donc, des salariés ont été licenciés de leur entreprise pour avoir, comme des potaches, écrit sur facebook ce qu'ils auraient dit ailleurs sans conséquence particulière (sauf à être assis à proximité de l'intéressé ou autre concerné). "Le pluriel ne vaut rien à l'homme et sitôt qu'on est plus de quatre on est une bande de cons", chantait Brassens. Là, ils étaient moins. Mais qui ne s'est jamais laissé emporter par la fièvre de la complicité ? Voilà un premier retour de bâton retentissant et bien sûr, il y en aura d'autres pour nous prouver que l'enivrante liberté d'Internet a ses limites.
Ah, vous dira-t-on, vous êtes déjà mis en cartes et surveillés (caméras, passe-transports, carte vitale, fichiers divers et jamais détruits...). Peut-être, mais ça n'est pas votre expression particulière qui fait l'objet d'une vaste suspicion dont on se demande combien d'employés assoupis devant des écrans elle dévore ? En l'occurrence, des salariés, désormais perçus comme mauvais citoyens de leur entreprise, mauvais esprits, perdent leur emploi. À part ceux qui ont choisi d'être leurs propres chefs, combien d'autres révoltés de la routine et de la pesanteur hiérachique pourraient en arriver là ?
Une bien belle réflexion à poursuivre quant à l'usage d'Internet et de la distance à conserver à l'égard de son clavier et de ses "amis".
Roberte Roberte.
17:43 Publié dans Actualité, Blog, Le travail comme trésor | Lien permanent
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