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08/05/2012

"ET SANS DOUTE PARCE QUE SON HEURE DE MOURIR N'ÉTAIT PAS SONNÉE"

En ce jour de célébration, nous avons une pensée pour toutes les femmes qui ont subi la guerre et pour toutes celles qui la subissent aujourd'hui. Nous ignorons si leurs lettres ont été recueillies comme cela a été fait pour celles des soldats de 14-18, par exemple. C'est pourquoi nous insérons ici ce courrier prélevé des archives de l'une d'entre nous.

RadicÔlibres.


"Le 8 novembre 1944

Bien chère Tante,

C’est en effet un grand malheur et une immense peine qui vient de nous frapper injustement.

À Saint-Pair (1), où se trouvaient mes beaux-parents, il n’y a eu que leur maison et celle d’à côté de sinistrées.

C’est arrivé le 31 juillet, les Américains étaient là depuis le matin et c’est dans la nuit du 31 juillet au 1er août qu’un avion allemand a survolé Saint-Pair et s’est délesté de ses bombes. D’après certains il y en aurait 12 de tombées, et d’après d’autres, 17. En tout cas il y a eu des dégâts partout, dans toutes les pièces, le toit s’est effondré. C’est une bombe qui a explosé sur le rebord de la fenêtre de la chambre où étaient couchés mon fils et ma belle-mère qui a tué mon fils et blessé ma belle-mère. Ils dormaient tous les deux, le petit n’a pas dû souffrir, il a simplement ouvert les yeux. Les éclats de cette bombe ont également touché mon beau-père qui n’était pas couché et se trouvait dehors, devant la porte. Il a été tué presque sur le coup. Il avait les deux jambes coupées, des éclats dans le bassin et derrière la tête.

J’ai été passer un mois pour aider ma belle-mère à déménager les quelques meubles qu’on a pu sauver. Elle a une blessure qui part de derrière l’oreille gauche jusqu’au milieu du cou. Elle en a réchappé par miracle et sans doute parce que son heure de mourir n’était pas sonnée.

Nous essayons de remonter le courant mais quelquefois c’est bien dur. La destinée est injuste et aveugle.

(...) J'ai écrit à Jacques (2) pour le prévenir de cet affreux malheur car je n’ai pas le courage de le laisser revenir avec l’illusion qu’il reverra son fils.

Ma chère tante, je vous remercie de votre gentille lettre et vous embrasse bien affectueusement ainsi que mes cousins et cousines."

Hélène

1. Saint-Pair sur Mer
2. Prisonnier

30/03/2012

SÉGUÉLA

"FIN DE PARTIE"


Sa pensée ne portait plus au-delà
du son émis par sa montre de luxe.

Frustré, il décida de mettre en mot
sa grossièreté.

 

© RadicÔlibres.

 

M. SÉGUÉLA a insulté Mme PULVAR (Radio Néo, "Le gros squat", 29 mars 2012).
On n'écrira pas "le mot" qui attire tous les obsédés du Net (ce qui prouve qu'il n'a rien d'anodin) : n'abusons pas du buzz.
Notons que M. SÉGUÉLA s'est excusé.
On pourrait dire : "La vieillesse est un naufrage" (et nous sommes des spécialistes !). Mais alors, il y a longtemps que M. SÉGUÉLA est vieux, non ?

14/03/2012

CYNISME. De la "Dépersonnalisation de certains types de relations".

Ce matin, Philippe MEYER nous communique, sur France-Culture1, la longue liste des  métiers officiellement rayés de l’activité professionnelle en France tels « Culottière » ou « Réparateur radio ».

Je pense immédiatement à un article lu hier dans Le Monde2 :

 

« Les
prodiges
de Sophie

Infaillible, infatigable et toujours disponible, la secrétaire du futur est un robot virtuel qui sait laisser un message ou organiser une réunion. Ses concepteurs assurent que les assistantes pourront ainsi se consacrer à des tâches plus valorisantes. Sans nier qu’il en résultera de possibles destructions d’emploi. »

 

Tout est dit. Mais je vais quand même vous faire profiter d’un certain nombre d’extraits de l’article. D’abord le mépris affiché à l’égard de la profession :

« [...] Sophie est un robot virtuel, dont les composantes, au lieu d’être réunies en un seul appareil, sont distribuées à travers le réseau de l’entreprise.

Sophie est une assistante infaillible, infatigable, disponible 24 heures sur 24. Elle ne tombe pas malade, ne prend pas de congés ni de RTT, ne fait pas de fautes d’orthographe, et reste calme en toutes circonstances. Elle parle plusieurs langues et sait faire de la traduction instantanée. Une fois qu’elle a été achetée et installée dans le système informatique de l’entreprise, elle ne coûte rien.

Elle n’est pas encore tout à fait au point, mais elle est en gestation dans les laboratoires de la société française xBrainSoft, basée à Lille. Son directeur, Grégory Renard, prévoit déjà de lui apprendre à gérer les services généraux : [...]. Si un employé a besoin d’une baby-sitter en urgence, elle appellera des personnes susceptibles de le dépanner – sans perdre de temps, car assure Grégory Renard, « elle ne se sentira pas obligée de leur faire la conversation. Il y a une forte demande de dépersonnalisation de certains types de relations ».

Le but déclaré du procédé est évidemment la rentabilité :

« Nous pensons d’abord au bien-être (sic) et à l’efficacité de l’utilisateur final, pas aux intermédiaires. Notre objectif est que nos clients gagnent du temps, et aussi, pourquoi pas, de l’argent. »

 

[...]

« En attendant, les logiciels de dictée, même quand ils ne sont pas couplés à un système intelligent, commencent à bouleverser l’organisation du travail. Lorsqu’un employé de bureau dicte un texte à son ordinateur, la saisie prend en moyenne trois fois moins de temps que s’il le tape au clavier. La position du corps est moins contrainte, plus reposante, et l’apprentissage quasi nul, puisqu’il suffit de parler de façon naturelle.

Ces systèmes sont déjà implantés chez les médecins et les juristes, qui, depuis des décennies, enregistrent leurs courriers et leurs rapports sur Dictaphone. Désormais, leur secrétaire peut transférer le fichier audio dans une application de reconnaissance vocale, qui le transforme en texte en quelques secondes. Bien entendu, ils peuvent aussi le faire eux-mêmes, en se passant de secrétaire. »

 

1.    La Chronique de Philippe Meyer, France Culture, du lundi au vendredi, un peu avant 8 heures.

2.    Le Monde n° 20885, daté du mercredi 14 mars 2012, p. 17, ENQUÊTE, DÉCRYPTAGES, Article de Yves EUDES, « dicté à un logiciel de reconnaissance vocale (sauf les chiffres et les noms propres) ».

 

 

Le métier de « Secrétaire » a toujours souffert d’un certain discrédit (chez les titulaires elles-mêmes). Toutefois, au siècle dernier, la secrétaire pouvait échapper à de longues périodes de chômage pourvu qu’elle accepte de dévaloriser ses compétences (car elle en a, oui, oui !).

Après avoir lu cet article, je pense encore à « L’horreur économique » de Viviane Forrester : tout une partie de la Société est évincée de l’emploi (mais tant pis, si c’est pour le « bien-être » de l’autre partie, seule à bénéficier du « progrès »).

Force est de constater, en l'occurrence, qu'il s'agit moins de "libérer la femme" que de "se libérer de la femme".

Peut-être un jour, la baby-sitter dont a besoin l’employé de l’article sera-t-elle aussi un robot ? Un robot féminin, cela va de soi, comme Sophie (Sagesse) ; on pourra la prénommer Constance, Clémence, Patience, Prudence ou Huitmars ? L'usage du prénom, de l'employeur à la salariée, c'est tellement cordial !

Que valent aujourd’hui les relations humaines en regard des objectifs rentabilité et enrichissement ? Que valent d’ailleurs certains humains ?

L'indignation ne suffit pas.

Anna Livia.