28/07/2015
DIVAGATIONS DE TUSK
"La pensée 68 est-elle épuisée ?"*
« Le Monde : Le président du Conseil européen, Donald Tusk, estime que l'atmosphère aujourd'hui est très similaire à 1968 en Europe. Partagez-vous cette impression ? Et pensez-vous qu'il y a "trop de Rousseau et de Voltaire" et "pas assez de Montesquieu", comme il le soutient dans le même entretien ?
Elisabeth Roudinesco : […] En réalité, ce qui se passe aujourd'hui n'a rien à voir avec Mai 68, cette révolution paradoxale de la jeunesse et de la fin du communisme, qui mettait en cause de vieux carcans dans un climat festif et à une époque sans chômage ni crise économique. Aujourd'hui, c'est d'une crise économique et politique majeure qu'il s'agit, de cette misère des peuples que Hugo a si bien su décrire. Les peuples ne veulent pas d'une Europe purement technocratique qui les dépossède de leur souveraineté démocratique au nom de l'austérité. Il nous faut une vraie Europe politique et culturelle et la situation inextricable de la Grèce, berceau de la philosophie, est le symptôme de ce qui ne va pas en Europe et dans le monde entier, et c'est pourquoi on assiste à cet état de panique.
On a donné aux Grecs le choix entre la peste d'une sortie de l'euro et le choléra d'une dette impossible à honorer et destinée à rembourser des dettes. Il faudrait d'ailleurs transposer au théâtre la fameuse nuit de Bruxelles durant laquelle on a fait plier Alexis Tsipras. Quelle terrible scène ! Personne ne croit à cet accord, pas même ceux qui l'ont signé. […] »
*Débat Elisabeth Roudinesco et Marcel Gauchet,
Les Controverses du "Monde", Festival d'Avignon,
Le Monde, n° 21936, daté du mardi 28 juillet,
DÉBATS, pp. 14-15.
Les lectures de Roberte Roberte.
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27/07/2015
VIEUX DE L'ÉTÉ (Les)
La semaine dernière, Libération nous a montré des personnes âgées charmantes, proprettes et parfois coquettes, assises dans un jardin ou en promenade. Avec le soleil, le vieux sort aussi et si l'on est un peu attentif, on le remarque ici et là qui regarde une partie de pétanque, le départ d'un bateau, ou bien perdu dans ses pensées - si ce n'est dans cette solitude que lui renvoie une multitude joyeuse qui ne le voit pas.
"La période des vacances, c'est toujours l'angoisse, tout le monde est éparpillé. Et ma famille ne vient jamais me voir."
"Que vous dire de plus que je suis à Nantes et que je me fais chier... J'ai pas à me plaindre, je ne suis pas sur un lit d'hôpital mais la solitude, c'est dur, parfois. Ça fait vingt-quatre ans que je suis tout seul dans mon appartement."
"Je suis sortie aujourd'hui, j'ai pris la voiture pour aller voir une infirmière. Autrement rien d'autre. Je me repose à l'ombre."*
*Le Monde, n° 21935,
dimanche 26 - lundi 27 juillet 2015, p. 9, FRANCE,
Au bout du fil, la solitude des personnes âgées,
Visite à la permanence parisienne de la ligne Solitud'Écoute,
destinée aux plus de 50 ans.
Les lectures de Roberte Roberte.
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26/07/2015
COLETTE (Les narines de)
16 juillet 1943
Paris.
« J’ai lu hier dans le train le dernier livre de Colette, Julie de Carneilhan1. Voilà bien un livre inutile et sans intérêt. Elle publie parce qu’il faut publier mais elle n’a rien à dire et ressasse ses vieilles histoires pas très propres. Manquant d’imagination, elle puise les sujets qu’elle veut traiter dans son existence qui n’est pas très belle. Cette fois, c’est encore une histoire de Henry de Jouvenel qu’elle ressort. […] Si Colette n’était pas une femme, s’occuperait-on de ses livres ?*
Communément, on prétend qu’elle est un grand écrivain. J’ai examiné de près ses phrases. On exagère la valeur de son style. Ce qu’elle compose est alerte mais tout de même sans grande richesse. De loin en loin, elle pique une expression ou une comparaison artificiellement littéraire qui n’arrive pas à me faire pâmer. On sent trop la recherche. Elle aime les descriptions d’yeux mais est à bout de souffle quand elle a parlé d’un reflet d’iris dans les pupilles. Et pourquoi parle-t-elle toujours de ses narines ? En lisant, j’ai noté quelques pages : 6, 7, 9, 45, 91, 139, 145, 169, 173, 197. Il semble que ses trous de nez jouent un grand rôle dans sa vie et que c’est par eux qu’elle s’exprime. La prochaine fois que je la verrai, il faudra que j’observe si vraiment ils ont autant d’importance qu’elle écrit dans sa conversation. »
1. Publié chez Fayard en octobre 1941, après prépublication en feuilleton dans Gringoire durant l’été.
*Souligné par RadicÔlibres.
in Journal 1939-1945,
Maurice Garçon,
de l’Académie française,
Éd. Les Belles Lettres/Fayard,
juin 2015, pp. 477-478.
Les lectures de Roberte Roberte.
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